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On débriefe pour vous… Midnight mass, terreur et métaphysique religieuse

Horreur, sang, violence… et questionnements spirituels : plus philosophique que gore, Midnight mass n’en est pas moins perturbante.

C’est quoi, Midnight mass ? Responsable d’un accident de la route mortel, Riley (Zach Gilford) a passé quatre ans en prison. Sa peine purgée, il revient sur Crocket Island auprès de ses parents et de son frère, et renoue aussi avec son ex-petite amie Erin (Kate Siegel). Au même moment, la très pieuse Beverly (Samantha Sloyan) accueille sur cette île isolée le père Paul (Hamish Linklater), nouveau prêtre nommé à l’église St. Patrick. L’arrivée du prêtre, au sein de cette communauté restreinte en proie aux difficultés économiques, coïncide avec une série de manifestations étranges… peut-être bibliques, peut-être maléfiques. Ou peut-être les deux.

Série après série, Mike Flanagan construit une œuvre horrifique à coup d’histoires effrayantes qui reflètent rien de moins que la fragilité de la condition humaine entre deux scare jumps. Après The Curse of Hill House et Bly Manor, Midnight Mass est sa troisième série disponible sur Netflix : sept épisodes d’environ une heure, qui permettent au showrunner de développer son univers et ses obsessions.

A lire aussi : On débriefe pour vous… La malédiction de Bly Manor

Bienvenue à Crockett Island, 127 habitants – pour la plupart des pêcheurs sans emploi après une marée noire. Le même jour, débarquent sur l’île Riley et le Père Paul. Le premier est accueilli avec une certaine hostilité par les habitants : natif des lieux, il sort de prison mais reste rongé par la culpabilité pour l’acte qu’il a commis. Le second remplace l’ancien pasteur malade, il est charismatique et exalté ; son arrivée suscite la curiosité puis l’enthousiasme lorsque des événements littéralement miraculeux se produisent dans son sillage. L’église se remplit de paroissiens désenchantés qui redécouvrent l’espoir et la Foi religieuse. 

Riley, de retour sur l’île, retrouve son ancienne petite amie Erin

Nous en resterons là, l’intrigue horrifique et dramatique de Midnight Mass reposant évidemment sur ses rebondissements. Disons simplement que les relations entre les insulaires se dessinent progressivement et qu’ils ont tous une histoire complexe : une jeune fille en fauteuil roulant, l’ivrogne qui est responsable de son handicap, une femme enceinte revenue sur l’île, une rosière extrêmement pieuse, un shérif musulman qui ne se sent pas à sa place, une médecin qui s’occupe de sa mère atteinte d’Alzheimer, ou encore cet homme sorti de prison et encore hanté par la femme qu’il a accidentellement tuée.  

Dès les premières images, on retrouve le Flanagan que l’on connaît : une scène d’ouverture frappante, des images à la fois sinistres et d’une grande beauté, un cadre sombre qui flirte avec le gothique, une lenteur volontaire, une musique minimaliste et angoissante, un drame qui se noue à travers les histoires chorales des  personnages, des mystères plus ou moins effrayants sous-jacents sans qu’on puisse anticiper le sombre destin des habitants de cette île. 

Côté casting, on retrouve une poignée d’acteurs présents dans Hill House ou Bly Manor – Samantha Sloyan, Kate Siegel, Henry Thomas ou l’excellent Rahul Kohli – auquel vient s’ajouter notamment Hamish Linklater. Et il faut saluer son extraordinaire performance dans le rôle du père Paul :  il livre des sermons enfiévrés voire endiablés, semble aussi inspirant que mystérieux, fascinant que rebutant sans qu’on puisse (dans un premier temps) déterminer pourquoi.

Le Père Paul, tu lui donnerais le bon Dieu sans confession

Il faut quand même s’accrocher, avec Midnight Mass. Certes, elle ne manque pas de séquences d’horreur explicites ou plus subtiles, de surprises et de cliffhangers, mais le surnaturel est d’abord une ombre qui plane en arrière-plan. C’est surtout une série bavarde et dialectique  où les personnages se livrent, laissent entrevoir leur passé et leur vécu , leurs frustrations et leur crise existentielle dans de longs monologues et des réflexions philosophiques et métaphysiques élaborées. Une conversation sur la vie après la mort dure par exemple plus de trente minutes ! De sorte qu’on peut trouver la litanie de dialogues ennuyeuse voire insupportable, ou au contraire passionnante. Et dans ce cas, lorsque l’horreur surgit, elle n’en est que plus dévastatrice puisqu’elle frappe des personnages auxquels nous nous sommes attachés.

Mais Midnight Mass est-elle une série d’horreur ? Oui… et non. Il y a des scènes brutales, gore voire apocalyptiques en particulier dans les deux derniers épisodes, mais il s’agit davantage d’un drame angoissant qui distille progressivement des images dérangeantes, les accumule jusqu’à un déchaînement dans la dernière ligne droite. Alors Midnight Mass fait-elle peur ? Oui… et non. Nous ne ressentons pas de terreur à proprement parler, plutôt une appréhension ou la sensation étrange que quelque chose ne va vraiment pas sur cette petite île, qu’il y a beaucoup de secrets et de mystères qu’on n’est pas tout à fait certains de vouloir percer. Y a-t-il au moins des fantômes, des monstres ? Oui… et non. Il y en a, ils sont importants dans l’histoire, mais l’essentiel repose surtout sur une réflexion spirituelle / théologique / métaphysique et autres mots compliqués qui donnent mal à la tête.

Les voies du Seigneur (et celles de Flanagan) sont impénétrables

Sur ce plan, les thèmes abordés sont d’une évidence… biblique : après tout, chaque épisode prend pour titre un livre de la Bible. Il est donc question de religion et de fanatisme, de Dieu et du christianisme, de culpabilité et de rédemption, des dangers de croyances (pas nécessairement religieuses) qui exploitent les peurs pour les retourner en haine contre les autres. Attention, encore un grand mot : tout cela accumulé, Midnight Mass interroge notre transcendance en tant qu’êtres humains. Et la réflexion est bien plus effrayante et anxiogène que les monstres et les revenants.

Passionnante et stimulante pour les uns, rébarbative pour les autres : Midnight Mass ne séduira pas tout le monde et les voies de Mike Flanagan peuvent sembler impénétrables. Horreur surnaturelle et drama dialectique nous emportent dans une réflexion profonde, mélancolique et dérangeante sur la religion, la vie, la mort, le pardon, l’intolérance, la raison et la Foi. Comme The Leftovers, Midnight Mass nous plonge dans des questionnements universels et intemporels, cachés derrière un cauchemar. Austère mais magistral. 

Midnight Mass
7 épisodes de 60′ à 71′.
Disponible sur Netflix.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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