Respectés grâce à leur puissance et craints pour leur dangerosité, ils sont les cibles principales de l’office des stups. Ces hommes ont consacré leur vie à « l’or vert ». Ces millionnaires verts, sont considérés comme les « barons de la drogue » les plus influents en France.
Depuis 2019, l’office des stups dresse un classement de ses cibles prioritaires, surnommé en interne le « top 25 » des trafiquants de drogue français. Un tableau classé confidentiel qui y intègre les trois noms des principaux narcos français. Plusieurs critères sont pris en compte pour figurer dans ce tableau : implications dans des règlements de comptes, capacité à se projeter à l’étranger, à corrompre des agents publics, des policiers, des douaniers, moyens logistiques, usage des technologies de dissimulation. Qui sont ces millionnaires du cannabis ?
Sofiane Hambli, l’indicateur des stups
Le Franco-algérien est le numéro 1 des barons de la drogue en France. Sofiane Hambli, aussi appelé « la Chimère » s’est rapidement fait un nom dans le milieu de la drogue. D’abord simple dealer de « shit » dans sa cité à Mulhouse, il devient de plus en plus influent, jusqu’à faire des grosses livraisons de résine sur la Costa del Sol, en Espagne.
Contre toute attente, il était aussi l’indic de l’ancien patron de l’Office de lutte contre les stupéfiants (OCRTIS). Interpellé en 2009 alors qu’il s’achetait un yacht, il se met au service du commissaire François Thierry.
Il obtient une remise de peine en échange d’informations. Il mène une vie paisible dans son penthouse avec terrasse et piscine dans le XVIe arrondissement de Paris. À la fin de l’année 2015, la découverte de 7 tonnes de haschich dans des camionnettes garées à proximité dévoile la supercherie de son traffic qui continue. C’est au Maroc, le 22 octobre 2021, qu’il se fait arrêter, après 7 mois de cavale. La justice marocaine le condamne à 20 ans de prison ferme notamment pour « trafic international de drogue », « blanchiment d’argent » et « séquestration ». En février 2024 , il écope d’une nouvelle peine de 7 ans de prison ferme prononcée par la Cour d’appel de Rabat.
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Moufide Bouchichi, l’un des barons de la drogue les plus influents
Celui que l’on surnomme « Mouf » est l’ex-associé puis rival de Sofiane Hambli. En contact direct avec les producteurs, il devient le principal exportateur de résine de cannabis en France. Il aurait envoyé 50 tonnes par mois selon la police.
Dans le viseur de la justice depuis 2012, ce Franco-Algérien de 43 ans écope d’une condamnation par contumace en 2015 à 20 ans de prison pour récidive. Après neuf ans de cavale, il est arrêté en mars 2021 à Dubaï.
Transféré en France, il retourne devant les juges en septembre 2021 et écope de 16 ans de prison. En parallèle, Moufide Bouchibi se retrouve à la barre pour son implication présumée dans un important réseau de trafic de stupéfiants dans les années 2010. Il aurait été responsable, avant son arrestation, de l’importation de « 60 tonnes de drogue tous les ans vers l’Europe », selon la police de Dubaï. Il a été condamné en février 2022 en appel.
Aujourd’hui, celui que l’on surnomme « Mouf » est toujours dans le viseur de la justice française. En mars 2024, il conteste auprès de la cour de Cassation sa condamnation à 18 ans de prison, à une période de sûreté des deux tiers de la peine, à l’amende d’un millions d’euros et une amende douanière de 2,9 millions. La plus haute juridiction française a confirmé sa culpabilité mais a cassé toutes les dispositions relatives aux peine. La Cour d’appel de Bordeaux a maintenant ce dossier entre les mains et devra rendre une décision.
Reda Abakrim, « Turbo »
Originaire de Poissy, on le considère comme l’un des principaux trafiquants de drogue de l’Hexagone. Il s’était spécialisé dans l’acheminement de cannabis au moyen de « go-fast », des convois de véhicules, voitures ou zodiacs, transportant leur chargement à grande vitesse. Cette technique lui a valu le surnom de « Turbo ». « Il était capable de faire sortir une tonne de résine de cannabis du Maroc par jour », affirmait en 2021 un ancien policier dans Le Parisien. L’homme, âgé aujourd’hui d’une quarantaine d’années, a été pendant plus d’une décennie dans le collimateur de l’Office anti-stupéfiants (Ofast). Abakrim est l’image même de la violence du milieu des narcotrafiquants.
Depuis 2007, Interpol visait Reda Abakrim par une notice rouge. La raison ? Avoir fui la France, après l’assassinat à Poissy d’un membre de son réseau, Brahim Hajaji, Franco-Marocain lui aussi. Abakrim lui reprochait le vol de plusieurs centaines de kilogrammes de cannabis. Les ravisseurs ont enlevé et torturé la victime, avant de l’exécuter, selon le même mode opératoire qu’au Maroc. Un indic a permis de retrouver son corps en 2010 dans un bois. En juin 2020, sous la défense d’Éric Dupond-Moretti, la cour d’assises de Versailles a condamné l’homme à 20 ans de prison et un an de réclusion criminelle.
Récemment, la police le soupçonne de l’enlèvement et du meurtre d’un homme, Reda Faras, près de Casablanca. L’affaire remonte au 8 février 2024. Reda Abakrim est finalement interpellé mercredi 14 février, pour aller en détention provisoire. L’enquête est toujours en cours. La piste privilégiée est celle d’« un règlement de comptes » entre la victime et Reda Abakrim. Selon le média marocain Le Desk, une rixe aurait opposé les deux hommes plusieurs semaines auparavant dans une boîte de nuit de Casablanca. L’altercation serait liée à une affaire d’argent.
Des barons de la drogue en France, il y’en a d’autres, certains sont derrière les barreaux, d’autres encore en cavale. Le traffic de drogue représente 3,5 milliards d’euros au minimum par an affirme Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances lors de son audition du 26 mars 2024.
La fourchette haute se situe autour de 6 milliards d’euros, précise le rapporteur de la commission Etienne Blanc (LR). C’est le marché criminel le plus important en valeur en France. Un marché qui inquiète et ternie l’image de nos cités françaises.