La colère des agriculteurs se propage en Europe. Ils dénoncent la hausse des coûts de production et la multiplication des normes européennes.
Depuis quelques mois, la colère des agriculteurs ne cesse de grandir. Né dans le Tarn, ce mouvement de contestation s’est intensifié la semaine dernière avec le blocage de l’autoroute A64 en Occitanie. En automne, des symboles pacifiques émergeaient partout en France avec le retournement des panneaux signalétiques accompagné du slogan « #OnMarcheSurLaTête ».
Comme l’expliquait Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, le sentiment à l’origine de ces protestations est commun à tous. « Ces mouvements ont tous les mêmes ferments. L’incompréhension grandissante entre la réalité de la pratique du métier d’agriculteur sur le terrain et les décisions administratives centralisées, qu’elles soient à Bruxelles ou dans les capitales européennes, qui créent une incompréhension majeure et finalement une sorte de révolte« .
La baisse constante des revenus
En moyenne, le revenu des agriculteurs ont diminués de 5% en 2023, tandis que l’indice des prix à la consommation a augmenté de 3,7%. Néanmoins, les paysans français profitaient en 2021 et 2022 d’une hausse de 15% des revenus agricoles. Mais cette année, ils accusent d’un côté l’augmentation des coûts de production, et de l’autre une baisse des prix de vente.
Durant les deux dernières années, l’engrais a subi une hausse importante. En moyenne les prix ont augmenté de 80% en 2022 et 19% en 2023. Les productions végétales sont les plus touchés par ce phénomène. Le cours des grains constate une baisse de 10%. Mais du côté de l’élevage, malgré que les productions soient en baisse, les prix de vente augmentent.
Afin de contrer la fluctuation des revenus agricoles, les exploitants réclament l’application de la loi « EGAlim« . Cette législation adoptée en 2021, devrait permettre aux agriculteurs d’obtenir des compensations financières face à l’augmentation des normes environnementales et à la concurrence internationale. Celle-ci doit également encadrer le coût des matières premières. Mais les distributeurs s’attachent à d’importantes négociations pour tirer les prix vers le bas et faire baisser l’inflation.
Selon les probabilités de l’Insee, le revenu agricole moyen pourrait chuter de 9% en 2024.
Des normes et réglementations excessives
Dans une volonté de transition écologique et de production plus durable, le gouvernement inflige aux agriculteurs de nouvelles normes et réglementations de plus en plus désavantageuses. La stratégie Ecophyto 2030 du gouvernement doit massivement réduire l’utilisation de pesticides. Or, le FNSEA scande, « Pas d’interdiction sans solution« .
En septembre 2023, le gouvernement avait supprimé la niche fiscale du gazole non routier (GNR). Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, indiquait « nous supprimerons la niche fiscale sur le gazole non routier tout simplement pour faire basculer notre fiscalité d’une fiscalité brune, c’est une fiscalité qui incite à consommer des énergies fossiles, donc c’est mauvais pour le climat, à une fiscalité qui valorise les investissements verts« .
D’autre part, ils sont assommés par d’innombrables normes. « La pénibilité physique a laissé peu à peu la place à une pénibilité morale qui est due notamment à l’édiction de règles et de normes de plus en plus lourdes à supporter » affirme Etienne Gangneron, président de la chambre d’agriculture du Cher face au ministre de l’agriculture Marc Fesneau. Véronique Le Floc’h, présidente du syndicat de la Coordination rurale, déclare également à l’AFP, « Les agriculteurs qui nous appellent ne savent même plus ce qu’ils ont le droit de faire ou non« .
Face aux normes européennes, les exploitants tricolores sont dans l’incompréhension. En 2024, les agriculteurs français doivent mettre 4% des terres agricoles en jachères. Or, dans un contexte où les tensions alimentaires se poursuivent, le président de la FNSEA déplore, « L’année dernière, on a importé en France deux fois plus de céréales que l’année d’avant, au moment où on va nous demander de mettre 4% en jachère« , déplore le président de la FNSEA ».
Concurrence déloyale
Les agriculteurs français jugent une concurrence déloyale des pays étrangers. Par exemple, les éleveurs de volailles dénoncent une différence excessive des prix entre un poulet français à 7€ le kilo et un poulet ukrainien à 3€ le kilo. Malgré que les normes ukrainiennes ne soient pas en adéquation avec les françaises, l’Europe autorise ces importations. En France l’élevage de volaille est limité à 40.000 poulets par exploitation, tandis qu’en Ukraine, ce sont de véritables usines pouvant aller jusqu’à 2 millions d’animaux. Ces différences de prix se ressentent dans la consommation de la population. En 2022, plus d’un poulet sur deux consommé en France était importé.
Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne s’indigne de l’importation des produits en France. « On sert à nos enfants dans les cantines des aliments importés qu’on nous interdit de produire en France » affirme-t-elle.