Ce weekend, 23 lieux représentatifs de l’évolution industrielle du Japon sous l’empereur Meiji (1868-1912) ont été inscrit au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco. Si cette inscription est une bonne nouvelle pour le tourisme japonais, elle n’a pas laissé indifférents les voisins du Japon. En effet, l’Unesco ne fait pas mention des milliers de prisonniers de guerres et de travailleurs forcés qui ont été les victimes de l’impérialisme du Japon lors du règne de la dynastie Meiji.
Les politiques et les médias japonais ont donc salué ce lundi la décision de l’Unesco d’inscrire au patrimoine mondial de l’Humanité 23 lieux représentatifs de l’évolution industrielle du Japon sous la dynastie Meiji, malgré l’opposition des pays voisins.
INSTITUTIONNALISATION DES TRAVAUX FORCÉS
Au Japon, les travaux forcés n’ont pas débuté avec la Deuxième Guerre mondiale. En effet, les travaux forcés constituèrent un élément crucial du développement des industries minières et manufacturières dans le Japon de l’ère Meiji du XIXème siècle. Tout au long du règne de l’empereur Meiji, le Japon utilisa des « prisons industrielles » pour fournir de la main-d’oeuvre (ouvriers, paysans …) aux entreprises privées. Jusque dans les années 1930, la majorité des mineurs était des prisonniers tandis que le reste était composé de paysans destitués de leur terres par les réformes de l’ère Meiji. Un tiers de cette main d’oeuvre était de sexe féminin tandis que la main-d’oeuvre chinoise et coréenne est progressivement devenue indispensable dans les mines et les usines japonaises.
DES PRISONNIERS DE GUERRE POUR SOUTENIR L’EFFORT DE GUERRE JAPONAIS
Sur les 8 zones industrielles inscrite par l’Unesco, 5 avaient mis en place 26 camps accueillant plus de 13 000 prisonniers de guerre. Et ces derniers ont été utilisés comme travailleurs forcés par des géants industriels japonais comme Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo, Aso Group, Ube Industries, Tokai Carbon, Nippon Coke & Engineering, Nippon Steel & Sumitomo Metal Corporation, Furukawa Company Group, et Denka. Ces prisonniers de guerre venaient des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, d’Australie, d’Inde, de Nouvelle Zélande, de Norvège, de Jamaïque, du Portugal, d’Afrique du sud, de Malaisie, et de Tchécoslovaquie.
En outre, l’inscription au patrimoine mondial de l’Humanité des ports de Kitakyushu et de Nagasaki fait également polémique car ils constituèrent les portes d’entrées du Japon pour des dizaines de milliers de prisonniers de guerre. En effet, environ 35 000 prisonniers, dont 11 000 américains, arrivèrent au Japon durant la Deuxième Guerre mondial. Plus de 7 000 prisonniers moururent durant le voyage vers le Japon. Les conditions de vie sur les bateau servant au transport des prisonniers été si difficile qu’ils ont été baptisés des « Bateaux de l’Enfer« . Et 3 500 prisonniers supplémentaires moururent au Japon, dont 25% au cours des 30 premiers jours après leur arrivée.
La nomination de ces sites industriels de l’ère Meiji constitue donc un réel acte d’oubli. Cette inscription omet volontairement le côté sombre de l’industrialisation japonaise. En définitive, cette inscription dessert totalement l’Unesco qui se montre irrespectueux envers la mémoire des milliers de prisonniers et travailleurs forcés.