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On a vu pour vous … les premiers épisodes de Il cacciatore (Rai2), présentée à Canneséries

Inspirée de faits réels, Il cacciatore continue de creuser le filon des séries sur la mafia pour revenir sur la lutte contre Cosa Nostra dans les années 1990.

C’est quoi, Il cacciatore ? Magistrat dans une petite ville de Sicile au début des années 1990, Saverio Barone (Francesco Montanari) dénonce son supérieur, coupable de corruption et de collusion avec un boss local. S’il s’est mis à dos ses collègues et sa hiérarchie, il attire l’attention du chef du pool anti-mafia à Palerme, qui lui propose de rejoindre son équipe. D’abord par ambition, puis par conviction, Barone se lance alors sur la piste du redoutable chef de Cosa Nostra, Leoluca Bagarella (David Coco). Il comprend vite que sa mission tient du sacerdoce, et qu’il va devoir sacrifier sa vie de famille mais aussi se mettre en danger.

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Depuis quelques années, il paraît compliqué de sortir de l’axiome série italienne = mafia. Encore faudrait-il le vouloir : le thème a valu à nos voisins transalpins leurs plus grands succès à l’international, et c’est un sujet qui reste prégnant dans la société italienne. Deux raisons qui expliquent probablement l’arrivée sur la Rai2 de Il Cacciatore, série sélectionnée dans le cadre du festival Canneséries. Contrairement à la formule consacrée, toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé n’a rien de fortuit : inspirée de Cacciatori di mafiosi, livre écrit par le juge anti-mafia Alfonso Sabella (Barone dans la fiction) la série revient sur l’une des pages les plus sanglantes de la lutte contre la mafia sicilienne.  


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Alfonso Sabella et Francesco Montanari, son alter ego à l’écran

 

Situons grossièrement le contexte. Cosa Nostra est longtemps restée relativement discrète : agissant dans l’ombre, achetant la complicité des dirigeants politiques et industriels, elle jouissait d’une certaine complaisance et du silence de la population. Or, le parrain Toto Riina adopte au début des années 1990 une stratégie beaucoup plus violente pour éliminer toute opposition: il ordonne des attentats contre les juges Paolo Borsellino et Giovanni Falcone, fait assassiner ses rivaux mais aussi leurs proches (y compris les enfants). Se faisant, il se met à dos l’opinion publique, est trahi par certains de ses hommes qui collaborent avec la justice et provoque une réaction des institutions judiciaires, désormais déterminées à lui mener une guerre sans merci Lorsque Riina est arrêté en 1993, son bras droit et beau-frère Leoluca Bagarella va poursuivre dans la même voie sanglante.   

C’est à cette époque que débute Il Cacciatore, lorsque Barone (excellent Francesco Montanari) rejoint le pool anti-mafia de Palerme. Avec une certaine lenteur, le premier épisode présente les personnages, magistrats et mafieux, que l’on va suivre en parallèle dans un récit linéaire : d’un côté, les investigations des juges et policiers, et de l’autre les exactions commises par les criminels. Pour l’instant, les deux lignes narratrices ne se croisent pas ; on devine qu’il en sera tout autrement, à mesure que l’étau se resserre autour de la mafia.  

Saverio Barone, un juge contre Cosa Nostra

 

On entre dans le vif du sujet dan le deuxième épisode : chargé de sa première enquête,  Barone se rend en Suisse pour localiser l’argent caché par Bagarella. D’abord infatué et dévoré d’ambition, notre homme va très vite se dévouer à sa mission par conviction et idéalisme – même lorsqu’il prend conscience que son poste va l’éloigner de sa femme, mais aussi le mettre en danger en le désignant comme cible à abattre.

Initié à la chasse depuis son plus jeune âge, le juge sait qu’un bon chasseur doit anticiper les mouvements de sa proie et apprendre à penser comme elle. Sangliers des forêts siciliennes ou mafieux, la technique est la même ; c’est le gibier qui change. Désormais, les proies sont les Corléonais, et d’abord le parrain Bagarella et son homme de main, Giovanni Brusca (Edoardo Pesce). On fait la connaissance du premier lorsque le jeune Tony Calvaruso (Paolo Briguglia), tout juste sorti de prison, devient son chauffeur ; le second est un tueur sadique et sans pitié qui assassine et torture sans ciller, et qui ferait passer le Luca Brasi du Parrain pour Mère Teresa.

Bagarella (à gauche), un parrain sans pitié

 

Dès les premiers épisodes, il se dégage une atmosphère et une intention dans Il Cacciatore. L’image alterne  en permanence entre le clair et l’obscur, les couleurs vives et les teintes sépia. Aux paysages ensoleillés du bord de mer succèdent les scènes confinées dans les bureaux de la magistrature, puis la froideur sordide du sinistre entrepôt où les tueurs de la mafia exécutent leurs victimes. Extrêmement dure, la série mise moins sur la violence physique que sur des allusions. Lorsqu’un homme est garrotté, c’est sur le visage du tueur que s’attarde la caméra ; on ne voit pas le cadavre, mais on assiste en revanche au déversement dans les égouts de l’acide dans lequel il a été dissous… Le procédé renforce l’impression d’horreur et de monstruosité, en laissant toute la place à l’imagination.

Toute cette mise en œuvre traduit bien le propos, évident dès le départ : Il Cacciatore, c’est l’histoire de la lutte du Bien contre le Mal, avec des hommes idéalistes prêts à se sacrifier pour anéantir des criminels sans pitié. Et pour venger la mort de Falcone et Borsellino, héros malgré eux, qui ont laissé la vie dans ce combat. A Barone de reprendre le flambeau – à ses risques et périls.

Lasciate ogni sperenze, voi ch’entrate : c’est dans cet enfer digne de Dante que s’apprête à pénétrer Barone, et avec lui des téléspectateurs qui devront avoir le cœur bien accroché. D’excellente facture et avec un récit maîtrisé, Il Cacciatore s’annonce comme une série efficace, qui se penche sur la lutte sanglante des juges contre Cosa Nostra. En suivant les faits historiques à peine remaniés au profit de la dramaturgie, Il Cacciatore devrait suivre cette ligne. Et notez, au passage, que nous avons réussi l’exploit de ne pas mentionner une seule fois Gomorra. Ah, zut. Trop tard…   

Il Cacciatore – Rai 2.
12 épisodes de 55′ environ.
Sélectionnée dans le cadre du festival Canneséries

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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