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Stéphane Ferrand : « Il y a toujours un « moment-chaos » qui correspond au meilleur moment de créativité qu’on puisse avoir »

Conférence Vega Japan Expo

Nouveau label né de l’association entre les éditions Steinkis et Nexusbook, Vega entend donner sa place au seinen. Rencontre avec Stéphane Ferrand, directeur éditorial de ce nouvel acteur du manga en France.

VL : Vous arrivez en challenger, comment présentez-vous Vega au public ?

Stéphane Ferrand : Dans un marché assez concurrentiel avec plein de nouveaux arrivants, nous avons choisi de nous créer une identité facilement reconnaissable autour du seinen. Nous désirons au fil des années nous imposer comme l’éditeur principal de toutes les différentes formes de seinen qu’on peut trouver. J’ai travaillé sur différents types de seinen dans ma carrière précédente, dans des répertoires réalistes (Les Gouttes de Dieu, Vertical) ou plus fantastiques (Berserk, Tokyo Ghoul). Ça m’a paru assez pertinent de considérer que les adolescents finissent par devenir de jeunes adultes, et donc proposer une maison d’édition pour tous ces gens qui, après avoir bien intégré les différents codes du shônen et/ou du shôjo, vont chercher des variétés un peu différentes, d’où l’idée de leur ouvrir un éventail autour de la maison Vega. J’ai toujours considéré que le seinen était plus varié dans ses thèmes et ses approches, et que ça permettait à tout un chacun de trouver quelque chose qui lui plaise : soit une œuvre de science-fiction, soit un polar, soit un titre plus historique, et qui quelque part aura toujours un traitement assez mature qui généralement nourrit le scénario et la narration.

Votre ligne éditoriale sera exclusivement seinen alors ?

Ce sera principalement du seinen, avec différente explorations du genre. On fera aussi une collection adolescente dans laquelle on réunira des shônen et des shôjos, qui seront facilement identifiables dès la couverture. On développera une collection kids puisque comme on s’adresse principalement aux parents et aux adultes on s’est dit que ça serait pas bête de communiquer auprès d’eux : « pour vous parents qui n’avez pas d’a priori sur le manga, on va faire une collection de titres originaux et rigolos pour les enfants de 6 à 10 ans ».

Vous nous avez présenté trois titres lors de votre conférence à Japan Expo, quel est celui que vous voulez le plus mettre en avant ?

On a présenté 3 titres pour l’instant, on en a signé 11. Pour notre lancement on essaye de porter Peleliu. C’est pour nous un titre magnifique et on s’estime très contents et très chanceux d’en avoir obtenu les droits. Ce titre raconte l’une des grandes batailles de la guerre du Pacifique vue au travers des yeux d’un soldat. Et c’est ce détail qui compte dans cette œuvre parce qu’à l’exemple d’un Tardi comme Putain de Guerre ou À l’ouest rien de nouveau, on suit la vie du troufion de base (sic) qui n’est pas militaire de carrière, qui est un conscrit espérant avoir une vie après tout ça. Sa vision de la guerre et ses réactions sont évidemment différentes d’un soldat normal. Tout ça vient s’entrechoquer à la japonaise avec les notions de devoir, d’honneur, de responsabilité, d’autant que le rôle du héros de Peleliu est d’écrire la lettre aux parents lorsqu’un soldat meurt. Sauf qu’au Japon il faut scénariser la mort de la personne : « il a chargé tout seul des char américains pour sauver une section », etc. C’est cette bascule permanente entre ce qu’on en sait, ce qu’on en dit et la réalité du vécu qui fascine dans le travail de Peleliu. Tout ça est merveilleusement bien mis en exergue dans cette œuvre profondément antimilitariste qui trouve un écho particulier aujourd’hui, que ce soit au Japon ou en France, où c’est pas plus mal de rappeler vraiment ce qu’est la guerre. Le titre est écrit avec le soutien d’un historien et l’auteur voyage régulièrement sur l’île de Peleliu pour y faire des recherches. C’est un témoignage précieux, surtout que notre conception européenne de la guerre du Pacifique a toujours plus ou moins été formaté par le cinéma américain. Le travail de Clint Eastwood sur Lettres d’Iwo Jima et Mémoire de nos pères nous semble être dans la même démarche que ce qu’on retrouve dans Peleliu. L’auteur s’intéresse autant à la destinée du GI Américain qu’à celle du soldat japonais. Finalement tout ces gens sont bien les mêmes et mourront de la même manière.

Vous n’étiez présent que pour une conférence cette année, est-ce que Vega compte prendre un stand, investir plus les salons dans les années à venir ?

Investir les salons, oui. Cette année nous sommes venus communiquer un petit peu. Nos titres sortent en octobre donc on a tout un process de soutien au lancement à partir de septembre. Pour notre ciblage kids on ira voir vers Montreuil (au salon du Livre et de la presse jeunesse, ndlr), et pour le seinen on s’intéressera à Angoulême et au Salon du Livre, mais aussi à Japan Expo. Ensuite avoir un stand c’est bien, mais si c’est juste pour vendre… J’ai toujours une certaine distance avec le fait de rentrer dans une librairie supplémentaire mais on peut peut-être proposer autre chose. Des idées on en manque pas, mais chaque chose en son temps. Pour dire la vérité simplement, c’est les sous qui vont trancher : plus on aura de sous et plus on fera de chose.

On pourrait penser que l’édition de manga en France est un milieu plutôt consolidé mais en 2018 cinqs nouveau éditeurs se sont lancés, qu’est-ce que ça dit sur le marché actuel ? Est-ce que c’est un signe de croissance ? Y a t-il risque de saturation ?

Directeur Editorial VegaC’est un petit signe d’affolement. Après la saturation n’est pas une vraie question. Le jour où on veut véritablement poser la question de la saturation il faudra mettre cette question en regard de l’évolution de la fréquentation et de l’évolution des ventes. Si on a 50 000 mangas en plus mais qu’on enregistre 1,5 million de lecteurs en plus, il n’y a pas de saturation. Après l’évolution en elle-même montre que ça part un petit peu dans tous les sens. C’est bien que les éditeurs innovent. Il y a quand même eu un certain temps où c’était un peu ronronnant, les Japonais eux-mêmes sont en attente d’innovation depuis un certain temps donc je pense que c’est le bon moment pour bouger *rires*. Il y a toujours un « moment-chaos » qui correspond au meilleur moment de créativité qu’on puisse avoir. Quant aux stratégies qu’il faut en tirer, c’est une question industrielle qu’il faudra poser aux acteurs actuellement présent. On voit ça sur les nouveaux auteurs français. Il y en a chez tout le monde, tout le monde les met en avant et pour moi c’est une excellente chose si on le pense ensuite d’un point de vue industriel. On passerait alors dans une nouvelle méthodologie de travail qui n’a rien à voir avec la BD franco-belge, où quand on crée on va chercher aussi des partenaires pour développer un jeu, un dessin animé… Il y a une sorte de virage tu vois, mais va t-il être bien pris… Ça je sais pas. En tout cas c’est le bon virage.

Vous avez annoncé avoir d’autres titres, à l’heure d’aujourd’hui pouvez-vous nous en dire plus ?

Non, pour une raison très simple c’est qu’il est absolument interdit de communiquer sur les titres tant que les contrats ne sont pas contre-signés par les Japonais. On en reparlera au mois d’août !

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