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Culte | On a redécouvert … The Practice la série judiciaire de David E. Kelley

Les 20 ans et plus de The Practice confirment à quel point David E. Kelley est l’un des auteurs les plus importants de la télévision américaine

La série judiciaire mettant en scène des avocats a de tout temps eu le vent en poupe à la télévision américaine, de Perry Mason à Matlock en passant par The Good Wife, Law and Order ou Suits. Mais si il est un scénariste et créateur de séries qui en a fait son miel à l’instar d’un John Grisham en littérature, c’est bien David E. Kelley. Légende vivante de la série télévisée, il a contribué par son écriture fine et précise, son œil d’entomologiste et sa singularité, à écrire quelques unes des plus belles heures de la fiction américaine mettant en scène des avocats. Il a également créé quelques uns des personnages les plus denses et les plus intéressants en la matière en les confrontant à des cas absolument fascinants qui souvent paraissaient insolubles et/ou extrêmement intrigants. Et qui plus est, il a écrit des dizaines et des dizaines d’épisodes lui-même confirmant ce que l’on subodorait, c’est qu’il était non seulement pétri de talent mais qu’en plus il maîtrisait la narration des shows qu’il créait et leur continuité dramatique mieux que personne. David E. Kelley ce fut d’abord l’élève de Steven Bochco qui lui permit d’étrenner son savoir faire sur L.A. Law (La Loi de Los Angeles) puis sur Doogie Howser, M.D. (Docteur Doogie) avant qu’il ne s’affranchisse de sa tutelle en créant l’une des séries les plus passionnantes qui soit, Picket Fences (Un Drôle de Shériff, High Secret City, la ville du Grand Secret) puis la concurrente frontale de E.R (Urgences) la formidable et méconnue Chicago Hope.

Mais c’est quoi déjà… The Practice? Le cabinet d’avocats Donnell & Associés connaît des difficultés et ne peut se permettre de choisir ses clients. Et selon les affaires, il n’est pas toujours aisé de défendre son client en mettant de côté ses convictions personnelles.

A cette époque David E.Kelley peut faire quasiment tout ce qu’il veut à la télévision américaine, quand bien même ses séries n’affolent pas les courbes d’audience. Dans toutes les séries précitées, des avocats apparaissaient, souvent des personnages secondaires mais bien souvent les plus marquants (Douglas Wambaugh interprété par le génial Fyvush Finkel, Alan Birch interprété par le non moins génial Peter MacNicol, deux acteurs que l’on reverra souvent chez David E. Kelley) jusqu’à ce qu’en 1997 il crée concomitamment deux séries diamétralement opposées de prime abord mais plus complémentaires qu’il ne semble, un peu comme la face rose et la face noire d’une même pièce : Ally McBeal sur la Fox et The Practice sur ABC (rebaptisée en France, Bobby Donnell et Associés).

« Tu crois que c’est difficile de défendre les coupables Lindsay ? Essaye les innocents c’est terrifiant »

Bobby Donnell – The Practice Episode 1 Saison 1 « Intégrité »

Les membres du cabinet de la série sont Bobby Donnell donc, Eugene Young, Ellenor Fruit, Jimmy Berlutti, Lindsay Dole et Rebecca Washington. Dans ce cabinet juridique peu reluisant de la ville de Boston sont notamment défendus des meurtriers et des dealers mais pour renflouer les caisses, il faut gagner à tout prix les procès dans lesquels nos avocats plus ou moins chevronnés se retrouvent impliqués et ce quels qu’en soient les moyens et souvent au prix d’arrangements avec leur conscience, ce qui permettait à David Kelley de mettre en exergue les absurdités d’un système qui fait son beurre de l’empilement d’affaires des plus farfelues au plus dramatiques. Le choix narratif faits par Kelley pour The Practice est celui d’arches d’épisodes plutôt que d’en faire réellement une série feuilletonante en tant que tel. Les affaires se succèdent et se chevauchent sur deux ou trois épisodes et font le focus sur des procès souvent hauts en couleurs avec des cas à traiter très insolites. L’étrangeté et la singularité des affaires comme souvent dans l’univers de Kelley, font tout le prix de son œuvre qui porte incontestablement sa patte, reconnaissable entre mille (un épisode avec un personnage souffrant du syndrome Gilles de la Tourette par exemple et vous êtes chez Kelley, c’est sûr et certain). Mais The Practice est aussi une série léchée à la mise en scène très efficace et qui bénéficie d’une superbe photographie qui contribue à façonner son côté anxiogène et élégant à la fois.

La série s’était fait la spécialité d’aborder des cas de conscience extrêmement pointus (là aussi une récurrence dans l’œuvre de Kelley de Picket Fences à Chicago Hope…) et abordant la morale sous tous ses aspects, faisant du téléspectateur un complice actif intellectuellement qu’il s’ingéniait à surprendre par des verdicts souvent à couper le souffle sans que cela ne soit une pirouette narrative destinée à grimper dans la surenchère. La série mettait aussi ses personnages à l’épreuve de leur moralité les confrontant à des esprits malades qui les poussaient à douter de tout, que ce soit d’eux-mêmes ou de leurs clients. The Practice a poussé la notion d’ambigüité à un très haut niveau dans des intrigues toujours très élaborées et qui s’avéraient très souvent pleines de rebondissements sans que cela n’en fasse des gadgets.

Bobby Donnell, le personnage principal de The Practice est un avocat intègre et honnête mais il doit composer avec la nécessité impérieuse de faire prospérer son cabinet afin de payer ses collaborateurs et donc de prendre sur lui pour défendre la lie de la population qui le forcera, s’il veut gagner, à renier ses principes de droiture et d’idéal de justice. Toutes les affaires que la série abordera démontreront que les avocats du cabinet Donnell doivent se plier à deux sacro-saints préceptes: la négociation et la stratégie et que toute notion d’idéal est à proscrire. The Practice est une série noire qui n’oublie pas d’être cocasse par moments (chez Kelley, l’absurde se fraye toujours un chemin même lorsque le drame atteint son paroxysme), mais dont le côté sombre et abrasif résiste au désespoir car il réside toujours un motif de croire en des jours meilleurs.

Porté par une interprétation remarquable de tout son casting, The Practice tient là à n’en pas douter, l’une des clés de sa réussite. Dylan McDermott campe un Bobby Donnell tiraillé entre son devoir et son idéal et restitue les subtiles nuances que son personnage porte en lui. Michael Badalucco (Jimmy) est à la fois drôle et pathétique mais escorté d’une humanité qui en fait un personnage autant agaçant qu’il est attachant. Camryn Manheim donne à Ellenor une densité dramatique et une puissance hors du commun, Steve Harris dans la peau d’Eugene parvient à être un vecteur d’émotion quand bien même son interprétation peut sembler plus monolithique que ses partenaires. Keli Williams, Lisa Gay Hamilton et Lara Flynn Boyle auront tour à tour de multiples occasions de démontrer que leurs personnages (sur le papier peut-être les moins aboutis) qu’elles sont loin de n’être que des faire-valoir. C’est une des forces de la série que d’être chorale et de réussir à obtenir une telle homogénéité dans sa distribution.

Au-delà de ses figures centrales, The Practice fait la part belle à des personnages très iconoclastes comme il est de coutume dans les séries de David Kelley. Il offre à des acteurs précieux des personnages qui ne le sont pas moins et on retiendra bien évidemment les performances de Linda Hunt, Holland Taylor, Tony Danza, Henry Winckler, Michael Emerson ou encore le fantastique John Laroquette au milieu de tant d’autres. En 2003, David Kelley se voit contraint par ABC de se séparer d’une grande part de son casting pour répondre à des contraintes budgétaires. C’est ni plus, ni moins que Dylan McDermott, Keli Williams, Lisa Gay Hamilton et Lara Flynn Boyle soit quatre des piliers du show qui sont débarqués. Très gonflé de se débarrasser de son héros mais l’acteur qui succèdera à McDermott excelle dans un tout autre registre. C’est le formidable James Spader qui campe un Alan Shore ébouriffant pour la saison 8 de la série. L’arrivée du personnage sonnera le glas de la série sans que cela lui soit pour autant imputable puisque Alan Shore va mettre le cabinet sous l’éteignoir de par ses méthodes disons discutables avant qu’il ne plie bagages (alors que la série se clôt au bout de 168 épisodes) pour la firme Crane, Poole & Schmidt dans la toute nouvelle production de David Kelley, Boston Legal (Boston Justice) qui sera donc considéré comme un spin-off de The Practice.

The Practice, qui bénéficia chez nous d’une diffusion pour le moins anarchique et peu conforme avec la qualité de la série, est une œuvre brillante, qui alterne les tonalités, vous émeut, vous transperce, vous fait rire, vous montre la noirceur de l’âme humaine pour mieux en restituer la quintessence. La série démontre que David Kelley, aussi démiurge qu’il soit, est un auteur génial à la plume exceptionnelle et si son talent s’est peut-être galvaudé parfois au fil du temps, il n’en reste pas moins un auteur majuscule dont The Practice est un bel et fier représentant de l’œuvre gigantesque qu’il a construite.

Ce qu’il faut savoir pour briller en société

La série a été diffusée de 1997 à 2004 et compte 168 épisodes.

De nombreux épisodes crossovers ont parsemés la série :  Avec Ally McBeal, avec la série Gideon’s Crossing, avec Boston Public.

Dylan McDermott est revenu pour les deux derniers épisodes de la série.

La série a récolté de nombreux Emmy Awards dont celui de la meilleure série dramatique 1998 et 1999, de la meilleure actrice dans un second rôle en 1998 pour Camryn Manheim, du meilleur acteur invité en 1998 pour John Laroquette, du meilleur acteur dans un second rôle en 1999 pour Michael Badalucco, de la meilleure actrice dans un second rôle en 1999 pour Holland Taylor, du meilleur acteur invité en 1999 pour Edward Herrmann, du meilleur acteur invité en 2000 pour James Whitmore, de la meilleure actrice invitée en 2000 pour Beah Richards, du meilleur acteur invité en 2001 pour Michael Emerson, du meilleur acteur invité en 2002 pour Charles S. Dutton, de la meilleure actrice invitée en 2003 pour Alfre Woodard, du meilleur acteur en 2004 pour James Spader, du meilleur acteur invité 2004 pour William Shatner et de la meilleure actrice invitée 2004 pour Sharon Stone.

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Journaliste pôle séries et La Loi des Séries, d'Amicalement Vôtre à Côte Ouest, de Hill Street Blues à Ray Donovan en passant par New york Unité Spéciale, Engrenages, Une famille formidable ou 24, la passion n'a pas d'âge! Liste non exhaustive, disponible sur demande!
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