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5 éléments pour comprendre l’extrême-droite française : du FN au RN

La candidate du Rassemblement National, Marine Le Pen, fera face à Emmanuel Macron dimanche 24 avril pour prendre la tête de l’Etat. Nous essayons de comprendre sa politique en retraçant l’histoire de son parti, une histoire constitutive de l’extrême droite française.

Qu’est-ce que l’extrême droite ? L’extrême droite se définit avant tout par un nationalisme exacerbé, valorisant le « nous » contre les « autres », donc les Français contre les autres nationalités, religions ou cultures qui ne seraient pas originaires de France. En France, elle naît avec l’Affaire Dreyfus, à la fin du XIXème siècle, sur bases de nationalisme et d’antisémitisme (voir la partie 1 de notre dossier sur l’extrême droite : 5 éléments pour comprendre … l’extrême droite française : l’Action Française et Charles Maurras).
Après la prise de pouvoir du Maréchal Pétain, qui met en place une véritable politique d’extrême droite pour la première fois en France, l’extrême droite se reconstitue lentement après la guerre. Guerres de décolonisations, poujadismes, crises mènent à la création du Front national. Celui-ci devient le Rassemblement National en 2018. Retour sur ces filiations.

Les racines de l’extrême droite d’aujourd’hui : le poujadisme et la guerre d’Algérie

A la Libération, l’extrême droite est très marginale sur la scène politique. Des organisations, rappelant le modèle des ligues, reprennent vie à la fin de la guerre d’Algérie : OAS, Ordre nouveau, GUD. L’OAS (Organisation de l’armée secrète) est une organisation terroriste qui se bat pour conserver une Algérie française. Le GUD (groupe union de défense) et l’Ordre nouveau sont des groupes militants, à la base étudiants, avec des idées néofascistes et racistes.

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A côté de ces organisations, un mouvement politique et syndical naît dans les années 1950 : le poujadisme. En 1953, Pierre Poujade, prend la tête d’un groupe de commerçants du Lot qui s’opposent à un contrôle fiscal. Cette révolte donne naissance à un mouvement politique et syndical dans les classes moyennes qui se sentent menacées par un monde de plus en plus libéral.

Bon orateur, Poujade prend la voix pour les « petits » et dénonce « l’Etat-vampire » qui les vole pour donner aux « grands » et aux « apatrides qui occupent la maison France« , le « racket fiscal« , et les « métèques parasites qui campent sur notre sol« . Le mouvement condamne l’inefficacité du parlementarise de la IVème République et l’hypocrise des intellectuels et des politiques. Il réclame la défense des commerçants et artisans, qu’il estime en danger par le développement des grandes surfaces, de l’industrialisation et par le traité de Rome. Des thèmes qui sont toujours d’actualité dans les programmes de l’extrême droite.

Victor Weisz, “Poujadolf,” Daily Mirror, Jan. 6, 1956. Hitler souffle à Poujade « Bravo petit! Ils se moquaient de moi aussi à mes débuts… »

1956 : un jeune député nommé Le Pen

C’est lors des législatives de 1956 que le Poujadisme connaît son plus grands succès, en faisant 11,6% des voix. 52 députés font leur entrée à l’Assemblée Nationale. Parmi eux Jean-Marie Le Pen. C’est avec le poujadisme que la figure française de l’extrême droite fait son entrée en politique en devenant député de la Seine. De retour d’Indochine et déjà proche de l’Action Française, dont il vendait les journaux à la criée pendant ses études, il sait convaincre Poujade de le prendre sous son aile. Mais les deux hommes tombent en désaccord rapidement et Le Pen siège parmi les non-inscrits jusqu’à la fin de la législature. Il part se battre 6 mois en Algérie puis milite pour l’Algérie française, notamment en créant Le Front National pour l’Algérie française.

Comme Poujade, il s’élève contre Pierre-Mendès France, homme politique juif, avec des propos antisémites : « Monsieur Mendès France, vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques, presque physiques ». Il se crée une place de plus en plus importante dans le paysage politique en France, gagnant en popularité. Ainsi, en 1958 il gagne la troisième circonscription de la Seine avec 45,2% des voix. À l’Assemblée Nationale, Jean-Marie Le Pen s’apparente au groupe parlementaire du CNIP, les Indépendants et paysans d’action sociale (IPAS), dont il représente l’aile droite.

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5 octobre 1972 : naissance du Front National, l’extrême droite s’organise

C’est l’Ordre Nouveau (voir plus haut) qui a contacté Jean-Marie Le Pen pour créer un parti qui reprenne leurs idées. Le but : rassembler les forces d’extrême droite du pays (anciens poujadistes, pétainistes, néo-nazis, nostalgiques de l’Algérie française) et passer de l’activisme à un mode d’action légaliste en se constituant une vitrine électorale. Le 5 octobre 1972, le Front National est créé. Le logo : la flamme tricolore créée en 1946 par le MSI proche de Mussolini. Le Pen déclare lorsqu’on lui reproche sa proximité avec le groupe fasciste : « Je n’ai aucun contact avec le MSI italien. Encore que je ne vois pas leur action avec antipathie ».

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A ses débuts, le parti ne pèse guère. Une première scission à lieu avec l’Ordre Nouveau , ce qui l’endette et le coupe d’une parti de sa base militante. Avec le FN, Jean-Marie Le Pen se présente à la Présidentielle de 1974 et ne récolte que O,75% des voix. Mais il trouve les résultats du nouveau parti encourageants. Mais le parti commence à réellement prendre de l’ampleur dans les années 1980. La défaite de la droite républicaine en 1981 et le début de la crise favorisent son ascension. Dérapage en 1987 : JMLP affirme que les chambres à gaz sont un « point de détail de l’Histoire« . Cela ne l’empêche pas de réunir 14, 38% des voix à l’élection présidentielle.

21 avril 2002 : le Front national au second tour des élections présidentielles

Le 21 avril 2002, le Front National réalise son plus haut score à l’époque et accède pour la première fois au second tour de la présidentielle. En effet, les années 1990 sont marquées par une forte augmentation du chômage en France, ce qui permet au FN de réunir plus de mécontents. En plus des traditionnels discours identitaires, une nouvelle rhétorique est mise en avant : la dénonciation de la corruption des grands partis républicains. Le FN gagne plusieurs municipalités à la fin des années 90 (comme Toulon ou Orange) et fait des scores toujours supérieurs à 10%, à part aux Européennes.

En 1998, le FN connait une crise interne : JMLP entre en désaccord avec Bruno Mégret, qui souhaite nouer des alliances avec la droite. Ce dernier organise un nouveau parti d’extrême droite : le Mouvement National Républicain (MNR). Tous les médias estiment que le FN est fini. Cependant, les présidentielles de 2002 sont un coup de théâtre : le FN dépasse le PS et arrive au second tour avec 16,86% des suffrages. Néanmoins, en 2007, la candidature du Nicolas Sarkozy change la donne pour le FN. Nombreux sont ses électeurs qui sont séduits par le discours de droite dure du futur Président. Le FN commence alors une lente régression.

2018 : le Rassemblement National

En 2003, une des filles de Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen, devient vice-présidente du Front National. En 2011, elle prend la tête du parti. C’est un renouveau pour l’extrême droite. Sa stratégie : normaliser et dédiaboliser le parti. Et cela paye : lors de sa première course à l’Elysée en 2012, elle réunit 17, 9% des voix. La crise des subprimes de 2008 a certes joué en sa faveur mais elle consolide son électorat. A nouveau, des députés du FN entrent à l’Assemblée Nationale (dont sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen).

Elle pousse la dédiabolisation à son paroxysme en excluant son père, et le père du parti, en 2015. L’image de son père est trop négative : ses discours homophobes, racistes et antisémites entachent le parti qu’elle tente de rebâtir. En 2017, Marine Le Pen perd au second tour des élections présidentielles avec 33,90% des voix.

Dans la continuité de ses velléités de renouveau du parti, Marine Le Pen rebaptise le Front National en Rassemblement National en 2018. Jean-Marie Le Pen avait dénoncé cette « trahison » :  « C’est une longue et courageuse histoire militante que l’on renie ». Sur le plan politique Marine Le Pen soutient toujours les idées de l’extrême droite, valorisant l’amour de la France et le rejet de l’étranger, avec des mesures anti-européennes et racistes. Cependant, sur le plan économique ses programmes sont de moins en moins libéraux, ce qui lui permet de servir un discours populiste au nom des « plus démunis ».

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A lire aussi : «Il n’y a pas de journalistes» : quand le RN décide qui est journaliste ou pas

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